9 MERDALOR ( BEURRE ) J Margueritte vers la salle : « La voiture de la jeune dame est partie se refaire une beauté chez Gérard, celui qui a été mécanicien, et puis mécanicien en chef dans un garage des “environs de la région de Lyon” pendant... au moins 30 ans j'exagère pas.» Le lendemain matin la jeune dame est repassé me voir. Je me suis excusé pour ce qui s’était passé la veille. » J. Margueritte à la jeune femme : « J'm'excuse pour hier de vous avoir raconté l’histoire du fils Deveaut pendant que vous conduisiez... il est des fois où vous dites après que vous auriez mieux fait d'avaler votre langue.» La jeune femme vers la salle : « Je lui dis que jamais je n'avais jamais entendu une histoire aussi drôle et qu’il n’avait pas à s’excuser.» J. Margueritte à la jeune femme : J’m’excuse, j’aurais pas dû dire j'm'excuse, c'est pas poli, “on doit pas s'excuser soi même”. Souventes fois j'ai entendu la Duchesse de Soblignac dire ça à ses petits enfants. ‘’On doit dire veuillez m'excuser ou alors je vous prie de bien vouloir m'excuser’’, et elle avait raison. Enfin bref, faute reconnue, faute pardonnée. » La jeune femme à Joseph Magueritte : « C’est pardonné. Avez-vous, passé une bonne nuit ? » — D'accord. — Avez-vous passé une bonne nuit ? — D'accord. » Vers la salle : « Je lui ai reposé ma question. » À Margueritte : « Avez vous, avez vous, passé une bonne nuit !! » J. Margueritte à la jeune femme : « C'est quand même terrible, je voulais pas me coucher tard... il a encore fallu que Vieux Jo tombe dans une embuscade hier soir... Je me suis couché à pas d’heure, j'ai pas eu de mal à m'endormir, ça m'a pas empêché de me réveiller en même temps que les poules... Faut bien dire que j'ai le sommeil fragile ces derniers temps. » La jeune femme vers la salle : « Je lui demande s’il avait déjà pris son petit déjeuner. Il me répond quelque chose comme : j'étais réveillé, j'allais tout de même pas rester au lit les yeux ouverts à compter les mouches qui tournent au plafond.» J. Margueritte vers la salle : «Elle m’a demandé si j’avais pris mon petit déjeuner. Je lui ai dit : J'étais réveillé, j'allais tout de même pas rester au lit les yeux ouverts à compter les mouches qui tournent au plafond.» À la jeune femme : « J'étais réveillé, j'allais tout de même pas rester au lit les yeux ouverts à compter les mouches qui tournent au plafond. J'ai dis tant pis, autant aller s'occuper de “ Petit déjeuner ” et on verra après... Vers la salle : J'avais enfilé ma vieille veste de laine... ma vieille veste de laine que je l'avais payée 5 Mille il y a 10 ans chez Bernini, enfilée par dessus le pyjmoiça... j'ai mis mes mules simili cuir véritable fourrées mouton auxquelles je tiens et qui m'avaient été offertes pour mes 67 ans — des mules que je devrais pas connaître le prix mais je le connais quand même... y avait une étiquette qui était restée collée. À la jeune femme : Enfin bref, j'ai enfilé ma vieille veste de laine, je suis allé mettre les fesses de “ Casserole Téfal ” sur le gaz et les miennes sur la chaise à surveiller que lolo stérilisé demi- écrèmé se débine pas. Je sais pas si vous prenez du café au petit déjeuner le matin? Moi j'en prends plus. J'prends plus qu'du déca... ou d'la Ricoré. La Ricoré j'aime bien la Ricoré parc'que y a.. euh... 40 % d'café 60 % d'chicorée. Ca c'est bon. Et... c'que j'aime bien aussi... c'que j'aime bien c'est la chicorée euh... uniquement qu'la chicorée. Vous la mettez bouillir, vous... en faisant bouillir votre lait vous... vous mettez la chicorée d'dans. Et après... et après c'qui faudra avoir après... c'qui faudra avoir : un bout d'charbon d'bois. Mais pas d'celui... d'celui qu'on achète en sac parc'qu'on sait pas d'où ça vient, on sait pas où ça a traîné. Mais une supposition si vous avez un foyer : gardez d'la braise dans une boite propre, et quand'te vous passez la chicorée... mettre un... un... un bout d'charbon d'bois dans... dans... dans la passoire en la passant. Moi j'aime bien la chicorée. La Ricorée j'aime bien aussi pour le petit déjeuner la Ricoré. La Ricoré, mes petites biscottes de chez Casino, un peu de beurre et de la confiture. La confiture je la mange à la cuillère. Il y a encore quelque années je prenais du café, je trempais mes biscottes beurrées dans mon café au lait. Et puis entre temps je suis tombé à l'hôpital. À l'hôpital les infirmières, elles étaient esstrêmement gentilles, elles étaient au petits soins avec moi, elles me beurraient toujours mes biscottes pour le petit déjeuner rapport, rapport à mon bras droit qu'était cassé en deux endroits et qu'on m'avait mis dans le plâtre. C'était pratique j'avais pas à y beurrer, n'importe comment j'aurais voulu j'aurais pas pu. Il y avait qu'une chose que les infirmières ne faisaient pas : c'était de les tremper dans le café au lait et aussi de les manger. (rire) Et puis un jour, un jour y a le Paul, le Paul Rémy qui lui était hospitalisé rapport à son diabète, il était à côté de moi, il m'a dit : « Joseph, c'est idiot, j'dis pas qu't'es idiot comprends-moi bien, mais je dis que c'est idiot. C'est idiot, tes biscottes... tes biscottes tu y beurres, tous les matins tu y beurre, enfin c'est pas toi qui y fait puisque c'est les infirmières qui y font pour toi.» Et puis il me dit : « Après tu trempes tes biscottes beurrées dans ton café au lait chaud et alors... Alors il y a tout le beurre qui fond dedans et qui nage dessus. » Je lui dis : « Oui, ça fait comme les yeux dans le bouillon. » Alors il me dit : « Exactement. Alors ton beurre, ton beurre si j'étais toi, au lieu que tu le mettes sur les biscottes, tu crois pas que t'aurais aussi vite fait de mettre ton beurre directement dans ton café au lait, puisque il doit y aller de toute façon ? De toute façon. » Je lui dis : « D'accord mais de toute façon c'est pas moi qui y beurre, c'est les infirmières qui y font. Je suis d'accord avec toi, il me dit, mais t'auras pas toujours une infirmière derrière ton dos pour y faire, enfin j'pense pas? » Je lui dis : « Oui... enfin non. » Il me dit : « Tu vois. Tu devrais y essayer un matin. Ça t’coûte rien d'y essayer. » Après qu'il m'a eu dit ça, j'ai bien réfléchi et je me suis dis : «Il a peut-être pas tord, c'est peut-être pas si bête, de toute façon ça me coûte rien d'y essayer. » C'est vrai ça coûtait quoi d'y essayer ? Le lendemain, les infirmières quand'te je leur ai dit qu'mes biscottes c'était pas la peine qu'elles m'y beurrent comme elles avaient l'habitude d'y faire, elles ont eu l'air toutes étonnées, et encore je suis en dessous de la vérité. « Mais Monsieur Joseph... c'est déjà pas bien facile d'y beurrer sans les briser, les biscottes, quand'te on a les deux mains de valides, mais vous, avec votre bras, vous allez jamais pouvoir y beurrer tout seul avec votre bras dans le plâtre voyons ! » — Taratatata... — Et puis nous ça nous embête pas à nous de vous y faire, au contraire. — Taratatata... Après que je leur ai expliqué ce que je voulais faire et que je voulais mettre le beurre directement dans le bol du café au lait puisque de toute façon il allait y fondre dedans de toute façon, elles ont bien été obligées de reconnaître que c'était peut-être pas si bête comme idée. Elles ont bien rigolé et elles m'ont dit : « C'est vous qui voyez Monsieur Margueritte. De toute façon ça vous y coûte rien d'y essayer. Et puis demain on verra bien si on doit recommencer à vous y beurrer ou pas. » Elles m'ont donné mes biscottes et ma ration d'beurre séparément. J'ai mis ma ration d'beurre dans mon café au lait directement. J'ai laissé fondre, il a pas eu d'mal, et bien vous me croirez ou vous le croirez pas, j'ai été obligé de reconnaître que c'était loin d'être bête, et que j'avais vraiment bien fait d'y essayer. Je l'ai d'ailleurs dis au Paul Rémy quand'te je l'ai revu : « Tu sais Paul, je lui ai dis, tu sais j'y ai essayé, ce que tu m'a dis de faire... (Rire) Le Paul se souvenait déjà plus ce qu'il m'avait dit ! Mais si, tu sais bien, les biscottes que tu m'as dis d'essayer de plus les beurrer... ! Eh bein j'ai mis le beurre directement dans le café au lait comme tu m'as dis d'faire... C'est loin d'être bête ! mais merd'alors ! tu avoueras que c'est quand même rageant qu'il faut que moi, Joseph Margueritte, j'arrive à l'âge où c'est que j'en suis arrivé maintenant pour avoir l'idée d'y essayer ! » Ça l'a bien fait rigoler.