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MERDALOR
( DEVEAUT )
J. Margueritte vers la salle :
« Dans sa voiture je me suis trouvé à lui raconter une
histoire, quand on me l’avait racontée j'en pouvais plus de
pleurer.
La jeune femme à Margueritte :
« De pleurer ?»
— Pleurer de rire, mais pas pour de rire... J'étais vraiment
malade.
— Malade ?
— Malade de rire mais malade, c’est pour dire !
J. Margueritte vers la salle :
« Sauf le respect que je dois à la société, j'étais à deux
doigts d'en mouiller le fond, le fond d'la culotte. »
À la jeune femme :
— Sauf le respect que je vous dois, j'étais à deux doigts d'en
mouiller le fond d'la culotte. Sûrement que comme moi vous
seriez écroulée, j'en donnerais ma main à couper.
— Ecroulé ?
— Ecroulé de rire.
Vers la salle :
« Je lui ai dis si elle voulait quand même que j’y raconte. Elle
a pas dit non.
Vous inquiétez pas, je lui dis, c'est une histoire brève.»
La jeune femme à la salle :
« Il me propose alors de me raconter une histoire brève. Je
lui dis pourquoi pas.»
J. Margueritte vers la salle :
« L'histoire c'est l'histoire du fils Deveaut... .
L'Antoine Deveaut, le fils au Casimir Deveaut le garde de la
fédération de Montpignac.
Enfin... l'ex, l'ex-garde je devrais plutôt dire pour être
honnête puisqu’il est maintenant à la retraite à l'hospice de
Germenot, la même hospice où a décédé la pauvre Marie
Gobie, une bien brave personne.
Il marque un temps, puis, en riant :
Un jour à Challuy, Mamé Marie revenait avec l'Antoine d'une
noce ou quelque chose, et elle me dit :
« On s'est jamais tant régalé d'nout vie. » Alors moi je lui
répondais pareil, la même chose comme elle, j'ai dis :
« Quoi qu'avoué donné à m'zé Mamé Marie ?»
— D'la mastagoine. Et puis elle dit, c'est drôlement bon la
mastagoine.
La jeune femme et Margueritte en même temps :
« De la macédoine. »
J Margueritte à la jeune dame :
« D'la mastagoine ! (rire) J’avais pas besoin de vous y dire,
je vois que vous avez compris.
Un autre jour elle dit à son frère, le Gerbert !
Elle dit à Gerbert :
« Gerbert t'as laissé ta comédienne sul'doussier d'ta
chaise.»... La canadienne ! (rire) »
« C'est crevant, tous les jours vous pouviez la r'prendre.
Et puis elle a décédé d'un infractus au coeur en 1942... ou
en 41.
Ça se fait guère de parler de l'âge de dames, mais dans
votre cas, sauf votre respect, vous n'deviez pas être encore
bien d'ce monde. »
Vers la salle :
« Non j'exagère c'était en 1940 ! Le 17 Juin 40 exactement
puisqu'elle a décédé juste, juste le, la... la... juste la veille...
la veille du fameux jour...
Le 18 Juin 40, exactement la veille du fameux jour où le Paul
Bonnat a retrouvé son coq criblé de chevrotines dans sa
cour et que ça a fait tout une histoire cette vacherie ! »
À la jeune femme :
« Attention vous allez tourner à la prochaine à gauche. »
Vers la salle :
« Le père au Lucien Mouchardon qui à l'époque était chez
les Anglais avec le Général de Gaulle lorsqu'il a fait son
appel le même jour, pourrait vous y dire quel jour de la
semaine.
Je suis en plus que bons termes avec le Lucien
Mouchardon... Ça a beau être une huile des ponts et
chaussées de Massy-les-Cours, c'est un type qui fait pas
son fier pour autant...
Enfin peu importe c'était pour donner une idée de la date du
décès de la mère Gobie.
À la jeune femme :
Enfin bref... Pourquoi donc je vous parlais de la Marie
Gobie... ? »
La jeune femme à Margueritte :
« Vous vouliez me raconter l'histoire drôle concernant un
certain Deveaut.»
— D'accord...
— L'histoire du fils Deveaut !
— Le fils au Casimir.
Il s'agit d'une histoire drôle qui lui est arrivée à lui
personnellement. Une histoire qui sauf votre respect, est à
se taper le cul au plafond.
— ... Voulez vous une cigarette ?
— Au plafond le cul... de rire, j'entend dire.
— Voulez vous une cigarette ?
— D'accord.
J Margueritte vers la salle :
« Elle m'a tendu un paquet de cigarettes.
Je fume pas, j'en fume plus je devrais dire.
Dans le temps j'fumais 3 paquets de maïs par jour. Puis j'ai
arrêté.
Puis un jour j'en ai eu mal au cœur de plus fumer.
Le midi je ressaye après le déjeuner, mais ça, ça, ça a pas
loupé : passez-moi l'expression j'ai renvoyé la tasse.
Et j'venais d'en acheter une cartouche de 25 paquets... ! J'en
ai fait cadeau au basse-courier.
Mais y m'dit (rire) : « J'y vais aller y mettre de côté, parce
que ça va pas être longtemps que tu me la redemandes. »
— Oh ! j'ai dis, sûrement pas Pascal. »
Et puis p't'être un mois, un mois et demi après, j'attrape un
phlegmon, là sur le cou, j'vais au toubi : percé, il m'fait un
pansement et puis j'lui dis comme ça : J'fume plus.
— QUOI ! toi qui fumais trois paquets de Gitane maïs par
jour et puis tu fumes plus !
— Bein... j'ai dis, non ! j'fume pu.
— Y a longtemps ?
— Oh... j'ai dis, environ un mois un mois et demi deux mois
enfin presque deux mois. Oui j'fume plus, puis... j'ai dis, mais
ça va pas mieux. Ça va pas mieux.
— Bein... y m'dis, qu'est c'que ça t'fait ?
— Bein... j'ai dis, j'sais pas. J'sais pas c'que ça m'fait, et
puis... j'ai dis, quand'te j'vois un type qui sort son paquet de
sa poche ça m'dégoute et il pourrait m'en offrir une, ça...
— Bein... y m'dis, parc'que t'étais intoxiqué.
Y m'dit, tu vas m'faire le plaisir en t'en allant, tu vas passer
chez Dupoux... Dupoux le marchand de journaux articles de
pêche tabac P.M.U., où tu vas chez Maloigne. Et puis tu vas
prendre, une boite de “Ninas”, des petits cigares, et tu vas
m'en fumer deux par jour, pendant un mois, ça sera assez,
puis après tu les laisseras.
Et puis y dit, tu vas te désintoxiquer avec des p'tits “Ninas”
Puis après tout, quand'te j'ai vu que les “Ninas” me faisaient
pas d'mal, bein j'les ai pas laissés j'ai continué.
Puis après quand ils ont sorti... ils ont sorti les “Déchets de
Havane” c'est là qu'j'ai acheté les “Déchets de Havane”.
C'est des déchets de Havane qui sont pas roulés dans une
feuille de tabac, il sont roulés dans du papier couleur tabac.
Bein j'en achète plus d'ceux là, des... des... des “Déchets de
Havane”.
Les “Déchets de Havane” c'est facile c'est une petite boite
carrée en bois qui fait ça et ça d'épaisseur... non j'exagère
mais au moins ça. Y a deux p'tites charnières et une petite
pointe et il y a écrit dessus... : “Déchets de Havane”.
Ils sont pas mauvais, mais c'est du papier les “Déchets de
Havane”. »
La jeune femme (elle a toujours le paquet de cigarettes à la
main) à Margueritte :
« Prenez-en une.»
— Ah non, je fume plus, pas de cigarettes j’en ai eu fumé,
j'en fume plus j'devrais dire. Au respect que j'vous dois, vaut
mieux pas que j'vous dise ce que ça me ferait.
Par contre c'est drôle, j'fume des cigares ça me fait rien.
J'fumais des “Déchets de Havane” ils sont pas mauvais mais
c'est du papier tandis-s'que ceux à 16 cent balles que j'fume
maintenant, y a le rouge.. l'é... l'é... l'écriture sur la boite est
rouge que sur l'autre elle est noire. j'n'en prends jamais de
l'écriture rouge, j'prends l'écriture noire, l'écriture noire sont
meilleurs et y coûtent le même prix. »
J Margueritte vers la salle :
« C'est drôle, ça m'arrive comme ça d'fumer l'cigare quand'te
je joue aux cartes quelqu'fois.
Alors j'peux quand même pas prendre un cigare et puis pas
en offrir.
Bein j'vois les gars ils sont là dessus (il mime quelqu'un qui
tire sur un cigare), eh bien le mien il est même pas à moitié
fumé, le leur il est déjà dans l'cendrier, il est fini.
À la jeune femme :
« Où j'en étais donc resté... ? Ah oui ! Pas plus tard que tout
à l'heure j'étais à Chaumot, à la ferme au Six Sous, au
Simon Soupot si vous préférez, SImon SOUpot : Six-Sous
j'ai pas besoin de vous expliquer...»
Vers la salle :
« Pour être honnête, la ferme c’est un peu juste avant
Chaumot sans être tout à fait vraiment Chaumot. N’importe
comment si vous lui écriviez, vous écririez son nom, pas Six
Sous mais Simon Soupot, Ferme de l'étang, la code postale
que j'ai pas en tête, et puis Chaumot. C'est donc que c'est
quand même bien Chaumot. »