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  MERDALOR
  ( L’histoire du fils Deveaut )
  Quelque part à la campagne. 
  Années 80 environ. 
  Joseph Margueritte dit Magui, jardinier, 70 ans… 
  La jeune dame. 
  ( COCOTTE )
  « Merd'alors ! Merd'alors de Merd'alors ! »
   
  entrée en scène de Joseph Marguerite. 
  Il soliloque. 
  — Cinq minutes Merd'alors ! Cinq minutes et voilà t’y pas 
  Madame : «Je me croise les bras, j’arrête le boulot.» 
  Après cinq minutes montre en main. J’exagère pas. Cinq 
  minutes et puis plus rein. Il y a  y a de l’abus non ? 
  Tu vas me dire : « Faut pas t'énerver. La pauvre petite, c’est 
  la première fois qu’elle te fais le coup. » 
  Et moi trop gentil qui lui dis : «C'est pas grave, repose-toi un 
  petit quart d’heure ma petite cocotte, Pépé va en profiter 
  pour aller prendre son quatre heure, son five o'clock.»  
  Je reviens, il se passe quoi ? dis-moi : — Rein, elle veut 
  toujours rein savoir. 
  Tu va pas me dire qu’il y a pas de l'abus ! La bourrique ! 
  Oui j’ai dit Bourrique, que ça te plaise ou pas. Ta petite 
  chérie est une vraie bourrique. 
  Dis-moi donc, c’est qui qui l'entretient ; c’est qui qui prend 
  soin d’elle, tu me dis... ?  C’est ce couillon de Joseph 
  Margueritte. Alors merd'alors !
  Je sais  ce que tu vas dire… Alors dis pas, ça sert à rein d’y 
  dire. 
  J'm’en vais lui secouer les puces à ta petite chérie, pas plus 
  tard que présentement. 
  Joseph Margueritte sort par le côté où il est entré. 
  Une jeune femme passe sur scène. 
  On entend Joseph Margueritte qui s’exclame dans les  
  coulisses : 
  « Oh merd'alors ! Excuse-moi ma petite cocotte ! Pardon ma 
  petite cocotte... ! Ton Pépé il avait rein compris, rein de rein, 
  Merd'alors ! Merd'alors de merd'alors ! Viens avec ton Pépé 
  ma petie cocotte. 
  Retour de Joseph Margueritte. Il pousse une tondeuse à 
  gazon. 
  « Viens avec ton pépé ma petite cocotte, il va te conduire à 
  la r’mise, pour te donner ton five o'clock à toi.» 
  Il sort par l’autre côté.
  Joseph Margueritte est sur scène.
  Joseph Margueritte
   vers la salle
   : 
  « C’est exessivement rare que je m’énerve. 
  La fois que je me souviens c’était contre “Tondeuse‘’, il y a 
  peu. 
  Au bout de cinq minutes voila qu’elle s’arrête de travailler, 
  cinq minutes montre en main...
  J'ai eu beau beau lui tirer la ficelle en mettant les gaz, sans 
  mettant les gaz, j'ai eu beau beau lui titiller le starter, rein ! 
  Rein. A voulait rein savoir la bourrique. 
  Heureusement qu’elle est pas là pour m’entendre la pauvre  
  petite cocotte. 
  J’était colère, je venais de lui offrir une bougie neuve… 
  Même avec la bougie neuve Tondeuse voulait rein entendre. 
  J'en ai quand même eu pour 2 billets de mille !  
  Vous allez rire. Le premier couillon venu aurait compris. Je 
  suis sûr que vous, vous y auriez compris tout de suite.
  Faut pas sortir de la cuisse à Jupiter pour comprendre 
  qu’elle avait plus rein dans le ventre la pauvre cocotte (rire). 
   
  Mettez-vous à ma place, quand'te le couillon y s'trouve que 
  c'est vous... pas vous mais moi, on s'retrouve tout couillon, 
  la queue entre les jambes, je sais bien que ça se dit pas, 
  mais ça veux bien dire ce que ça veut dire. 
  Tondeuse elle peut pas se plaindre. 
  Faut voir comme elle est entretenue ! Sitôt fini de travailler, 
  sitôt nettoyées, ses lames passées au gasoil et... dodo dans 
  la r'mise. Jamais couchée dehors. 
  C’est pas que je coure après les compliments, j'y tiens pas 
  bien, j'aime pas m'envoyer des fleurs, mais le couillon de 
  Joseph Margueritte, tout couillon qu'il est avec son air bête 
  et sa vue basse, il a reçu des compliments du Gaston Gillo, 
  pas plus tard qu’il y a trois jours, quatre si une supposition 
  on tient compte du jour d’aujourd’hui... 
  « Magui, il me dit, je connais personne comme toi qui traite 
  sa tondeuse aussi bien que toi tu la traites.» 
  Pour en revenir à Tondeuse, la pauvre cocotte il me restait 
  plus qu’à l’amener prendre son five o'clock à elle. 
  Moi pour mon quatre heures, je prends toujours un bol de 
  Nesquick avec du lait froid, et j'y trempe des petits beurre. 
  J'ai toujours une boite de petits beurre d'avance. 
  J'aime bien les petits beurres dans le Nesquick, et puis, les 
  quatre petits coins, je sais pas pourquoi, mais ça m'a 
  toujours fait rigoler... J'sais pas pourquoi. 
  Enfin si je sais pourquoi : on dirait comme qui dirait quatre 
  petites oreilles… 
  (En riant) Je ris ! Je ris c'est à cause du five o'clock. 
  C'est Madame la Duchesse qui disait ça. La Duchesse de 
  Soblignac, la Duchesse mère :
  « Mon petit Joseph, pourriez-vous avoir la gentillesse de 
  nous servir le five o'clock au pt'it salon. » 
  — Oui Madame. 
  Un jour j'ai la langue qui s'est emberlificoté les pinceaux, j'ai 
  dit : « Le “five en cloque” de Madame la Duchesse est 
  servi... » 
  Ça l'a fait beaucoup rire et Monsieur pareillement. 
  Quand elle est tombée malade et qu'elle devait garder le lit, 
  souventes fois je lui portais son thé dans la chambre. 
  Un jour elle me fait un petit signe du doigt, pour que je 
  m'approche, elle pouvait pas parler très fort. 
  Elle m'a dit à l'oreille, avec un clin d'œil : 
  « Mon petit Joseph, promettez-moi de le répéter à personne, 
  faut qu'ça reste un secret entre nous... Voilà : il n'y a plus 
  guère que vous et votre “five en cloque” pour me remonter le 
  moral. » 
  Elle a décédé pas bien longtemps après. 
  Je l'aimais bien, c'était pas n'importe qui la Duchesse de 
  Soblignac, la mère Duchesse. Je dis pas ça parce que c'était 
  une noble ou une “ de ” je ne sais quoi... 
  Enfin bref, pourquoi donc j'parlais de ça... ? Ah oui ! c'est à 
  cause du five o'clock de Tondeuse. 
  C’est rapide : l'entonnoir sul'trou, la jerricane sur l'entonnoir, 
  deux minutes... j'exagère ! Le mélange est déjà fait. Une 
  minute montre en main, guère plus !  
  Comme répondant à une question venant de la salle : 
  3%, le mélange, 3%. 
  Au début je m'souviens, j'y donnais du 4% et c'est un jour 
  que... le... le... que le beau frère, le beau frère à ma copine 
  de Ratilly la mère Tuffaut, il m'dit, comme ça : 
  « Magui, t'y mets donc quoi comme pourcentage à ta 
  tondeuse ? Si c'est pas indiscret.» 
  — J’y dis, Gérard, moi, j'y donne du 4%, du 4% comme c'est 
  écrit sur la mode d’emploi. » 
  C'est là qu'il dit : 
  « La mode d’emploi c'est bien, mais maintenant qu'elle a 
  passé son rodage, donne-lui z’y du 3%. Elle fumera moins. 
  Et il me dit : tu verras elle marchera mieux. » 
  J'ai fait à 3%, à 3%, comme il m'a dit, et bien j'ai jamais, 
  jamais, jamais, mais vraiment jamais eu a le regretter. 
  Faut dire que le conseil sortait pas de la bouche à n'importe 
  qui. Le Gérard, il a quand même été mécanicien, et puis 
  mécanicien en chef dans un garage des “environs de la 
  région de Lyon” pendant... au moins 30 ans j'exagère pas. 
  Depuis, Tondeuse tourne comme une horloge. 
  Pas plus tard que l’autre jour j’étais à la ville. 
  Avant de repartir je me suis dis jai le temps de lui acheter 
  une bougie neuve. Résultat, le car m’est passé sous le nez, 
  à une minute près, merd’alors ! 
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  MERDALOR
  ( L’histoire du fils Deveaut )
  ( D'ACCORD )
  La jeune femme et Joseph Margueritte sont sur scène. 
  La jeune femme vers la salle : 
  « Quelle aventure ! J’étais grave perdue … Complètement 
  larguée sur une petite route je vous dis pas… 
  Joseph Margueritte vers la salle : 
  A cause de la bougie je rate le car du retour, arrivé à “la 
  fourche”,  au carrefour sur la départementale. Quelle heure il 
  pouvait-il donc être... ? 6 heures... ? 
  C'est alors qu'il y a une automobile qui arrive derrière moi. 
  Faut dire qu'à c't'heure là, les automobiles elles se 
  bousculent pas sur cette route. Il pouvait même être une 
  supposition... 6 heures 15 mais guère plus... » 
  La jeune femme vers la salle : 
  « Je devais me rendre à Culan... Culan sur Noyan, paumé le 
  bled je vous dis pas ! Alors moi avec ma Michelin au 
  1/1.000.000 j'avais pas l'air con. La galère ! 
  Une éternité que je tournais en rond et pas âme qui vive, 
  juste un hérisson qui a failli perdre la sienne, bonjour ! 
  Ça ne me fait pas rire, j'aurais voulu vous y voir. j'étais à 
  deux doigts de criser bonbon. 
  Et puis, miracle, je dépasse quelqu'un qui marchait sur le 
  bord de la route. En pleine cambrousse, ça ne pouvait être 
  qu'un autochtone... » 
  Joseph Margueritte vers la salle : 
  « L'automobile me dépasse et voilà t-y pas qu'elle s'arrête 
  environ 50/60 mètres plus loin... à vue de nez plutôt 60 que 
  de 50. » 
  La jeune femme vers la salle : 
  « Mon sauveur ? Je pile... Je vous dis pas la marche arrière ! 
  Il ne manquait plus que je me paye le fossé, bonjour je vous 
  dis pas !  » 
  Joseph Margueritte vers salle : 
  Je m'dis : ça c’est le Jean Roger. C’est sûr. 
  C'est peut-être pas sa voiture mais c’est sa voiture c’est sûr 
  et certain. Ça fait un bout de temps qu'il parle d'en changer 
  ‘’il reste plus qu’à convaincre ma femme’’ il disait. Faut dire 
  qu’elle freinait des deux fers. 
  Et puis voilà t'y pas que la voiture fait une marche arrière. Et 
  là, le Joseph Margueritte, avec son air bête et sa vue basse 
  il a tout de suite compris que malheureusement ça pouvait 
  pas être le Jean-Roger, il aurait pû me racompagner chez 
  moi... 
  Il y a pas besoin de sortir de polytechnique... la plaque 
  d'immatriculation était immatriculée 75. 
  Une parenthèse : j'sais pas comment ils apprennent à 
  conduire de nos jours, mais quand'te ils font une marche 
  arrière, les escargots ont intérêt à garer leurs fesses vite fait. 
   
  Moi j'comprends pas bien... je conduis, enfin j'conduis plus, 
  mais j'ai conduis beaucoup, même au Château de 
  Castelbrandy où j'ai travaillé pendant 8 ans : jamais 
  égratigné une peinture. 
  C'est vrai qu’au Château de Gil sur la Trente chez les De la 
  Tuile, le Monsieur chauffeur m'avait appris à conduire ; c'est 
  qu'il mettait des chaussures à clous ; il vous disait pas un 
  mot, c'est un gars qu'était pas brutal ; il était toujours les 
  yeux sur vos pieds. D'un seul coup on sentait gentiment un 
  p'tit coup d'coude... 
  « Vous savez pourquoi... ? 
  — Oui Monsieur. Parc'que j'ai fait ça qu'j'aurais pas dû... 
  — Exactement. » 
  Vous croyez qu'c'était pas aussi bien quand on apprenait à 
  conduire comme ça, qu'à l'auto-école maintenant ! On 
  conduisait aussi bien...
  Moi j'ai eu mon permis de conduire le 8 juillet 1931, un 
  mercredi. Ça aurait pu se passer un vendredi ou un lundi ça 
  aurait rien changé, j'ai jamais rien cassé, j'ai jamais rien 
  brisé. 
  Enfin bref pour vous en finir, pour vous en finir, la voiture 
  s'arrête à ma hauteur, c’était une jeune dame qu'était au 
  volant. 
  La jeune dame à Margueritte : 
  « Pardon Monsieur, ça fait une heure que je tourne en rond 
  je ne vous dis pas, je suis complètement larguée. Je compte 
  sur vous pour me renseigner. 
  — D'accord. 
  J.M. étant un peu dur d’oreille, lorsqu’il ne comprend pas 
  vraiment il répond ‘’D’accord’’ 
  — Voilà, je vais à Culan... 
  — D'accord. 
  — Suis-je dans la bonne direction ? 
  — D'accord.  
  La jeune femme vers la salle :
  « Alors moi je me dis : c’est une bonne nouvelle. ” 
  À Margueritte : 
  « Je suis dans la bonne direction, vous me rassurez !» 
  — D'accord. ( Un petit silence ) 
  — Attendez, attendez... Je reprends. Je suis perdue, perdue, 
  d'accord ? 
  Je cherche, je cherche la route de Culan, Culan sur Noyan, 
  d'accord ? Vous pourriez peut--être me renseigner ? Me 
  renseigner ! »
   
  Margueritte vers la salle : 
  «La jeune dame était sympathique, très sympathique ma foi, 
  par contre un petit peu excitée mais sympathique.»
  La jeune dame à Margueritte : 
  « Vous voyant sur le bord de la route sur cette putain... 
  charmante route je vous dis pas, j’ai tout tout de suite pensé 
  que vous deviez être du pays. » 
  — D'accord, d'accord. » 
  Vers la salle :
  «Je me dis, bonjour ! À peine grave le mec ! Je ne suis pas 
  sorti de l'auberge !» 
  À Margueritte : 
  « Pouvez-vous me dire // S'il vous plaît // où se trouve : // 
  Culan // La route pour aller à // CULAN ! 
  — Culan, oui oui, d'accord. Culan. Vous allez à Culan. 
  — Oui, c'est ça // Culan. 
  Joseph Margueritte vers la salle :
  « J’ai tout de suite compris qu’elle voulait aller à Culan. » 
  À la jeune femme : 
  « Si je vous comprends bien, vous voulez aller à Culan.»
  — C'est cela même. Vous savez comment s'y rendre ? 
  — D'accord. 
  Joseph Margueritte vers la salle : 
  « Elle me demande comment on va Culan. 
  Il faut dire qu'elle  pouvait pas mieux tomber que sur moi. 
  Alors j'lui dis qu'elle avait de la chance, qu'elle pouvait pas 
  mieux tomber que sur moi.» 
  À la jeune femme : 
  « Vous avez de la chance, vous pouviez pas mieux tomber 
  que sur moi. » 
  Jeune femme vers la salle : 
  « Alors il me dit : Vous avez de la chance vous ne pouviez 
  pas mieux tomber que sur moi. »
  Joseph Margueritte à la jeune femme : 
  « En fait vous êtes perdue et vous voudriez que je vous 
  indique la route de Culan, d'accord ?» 
  — D'accord d'accord, voilà voilà vous avez compris. 
  — D'accord. Alors c'est pas sorcier, n'importe comment vous 
  pouvez pas vous tromper.» 
 
 
 
 
 
  
  
 
 
  
 